
• Où nos aventuriers proposent leur aide au célèbre Gloìn dans la cité d'Esgaroth : retrouver coûte que coûte Balin et Oìn dans les Terres Sauvages et les sauver.
• Où le voyage vers les Longs Marais s'avère non seulement pénible pour le corps, mais également éprouvant pour le moral.
Une fois n'est pas coutume, "l'épisode pilote" s'est déroulé un samedi de 14 à 23h.
Après-midi : exposition du cadre, présentation des règles, diverses discussions sur le type de groupe et de campagne, puis seulement création des personnages. Pour une campagne d'une telle ampleur, à mon avis il faut prendre son temps avec les participant•e•s, puisque en filigrane on est en train de mettre en place la clé de voûte du contrat social : « à quoi, pourquoi, comment, quand et qui va-t-on jouer ? »

Un point qu'il me semblait essentiel d'aborder avant de jouer : expliquer comment les aventuriers se retrouvent à Esgaroth. Mine de rien, si j'avais deux Nains d'Erebor et un Bardide de Dale (justifications aisées), j'avais également un Hobbit de la Comté et Une Femme des Bois de la Lisière Ouest. Il ne fallait surtout pas bâcler ce point pour ces deux derniers, et donc leur présenter les difficultés qu'ils ont rencontré pour parvenir jusque-là depuis leurs foyers respectifs.
Concernant les Hobbits, je ne voulais pas interdire la présence de l'un d'entre eux dans le groupe, mais il fallait une justification crédible. J'ai donc décidé que Balin et Oìn revenaient de l'Eriador, qu'ils avaient été rendre visite à Bilbo, et que c'est ainsi qu'une connaissance commune - Everard (le PJ) - s'était retrouvé embarqué vers l'Est. Les Nains l'avaient entraîné avec eux, et leur long voyage les avait vu contourner la Forêt Noire par le nord (voir carte plus bas ; cela me permet de conserver l'originalité et l'aura de mystère du Sentier des Elfes que les aventuriers seront amenés à traverser au cours du scénario suivant ; et de justifier l'idée ultérieure de Balin de passage par la Vieille Route : le passage par le nord ne s'étant pas passé sans heurts). Ils s'étaient rendus à Erebor où une mission de la plus haute importance avait été confiée aux Nains : porter un message au Seigneur des Aigles. Le Hobbit part donc avec eux vers la Vieille Route en passant par Les Longs Marais, et on ne le verra plus avant le deuxième épisode (le joueur ne pouvant passer la soirée avec nous, il ne participe pas au début du scénario plus bas), à savoir le mardi trois jours après.
Heva de son côté, a suivi Garvald son cousin et deux de ses compagnons au cours d'un voyage très dangereux via la Vieille Route, qui les força à redoubler de prudence. Garvald a été envoyé à Esgaroth par Radagast pour effectuer une mission demeurée secrète. Arrivée à Bourg-du-Lac, Heva se retrouve seule avec Dingar son chien a parcourir fascinée la cité, pendant que son cousin se charge de sa mission. Elle va y faire la rencontre par hasard de trois amis : Brand, Frór et Fundin, et sympathiser avec eux autour de quelques chopines, après une bousculade qui aurait pu mal tourner...

Soirée jeu après le repas : un début de scénario en mode urbain pour commencer. Découverte de Bourg-du-Lac, Heva de son côté, Brand, Frór et Fundin du leur.
Mon but ici était de préparer les contrastes à venir : urbain vs nature, abondance vs pénurie, insalubrité vs salubrité, surpeuplé vs inhabité, agitation vs calme, bruit vs silence, information vs ignorance, mixité des cultures vs rejet ou ostracisme (en plus de rentabiliser mon écran à la superbe illustration malheureusement inadaptée partout ailleurs et qui ne sortira plus pour couper la table en deux en dehors de cette soirée là ; petit mot pour dire que l'écran est très utile côté MJ et très bien fait ; le livret qui l'accompagne est très intéressant et utile comme source d'infos pour la campagne, puisque plusieurs épisodes se déroulent à Esgaroth).
Mais pour ça il faut prendre son temps. Ne pas précipiter les choses. Et pour que ce soit amusant, il faut préparer/improviser plusieurs scénettes courtes pour rendre vivante la cité (aidé par le très beau plan en 3D de la ville), permettant à la joueuse et aux joueurs de découvrir et de s'attacher aux lieux.
Cela a bien marché. Tant et si bien qu'un an plus tard, ils décidèrent d'un commun accord de baptiser leur Compagnie du nom de cette ville qui l'avait vu naître, alors même qu'aucun d'entre eux n'en est originaire.

Mais reprenons le fil des événements. C'est ici que le scénario du livre de base - La Cloche des Marais - pointe son nez.
Les quatre premiers jeunes compagnons de la Compagnie (sans nom) sympathisent et décident de chercher fortune ensemble. Celle-ci va leur sourire sous la forme de rumeurs. L'une à propos d'un Maître Nain résidant dans le quartier de l'Hôtel de Ville, et cherchant diligemment de courageux compagnons prêts à braver les dangers des Terres Sauvages. L'autre à propos de Nains célèbres qui auraient disparu.
Frór et Fundin, se demandent si les deux rumeurs concernent la même affaire, et décident de proposer leur aide gracieusement s'il s'agit d'aller sauver leurs compatriotes : il en va de leur honneur...
Je ne vais pas rentrer dans les détails narratifs de ce qui va suivre car j'y passerai trop de temps (mes CR à destination de ma table se sont bornés à de brèves phrases, comme les deux en italique sous l'affiche plus haut). Il me reste à vous parler de 18 épisodes, j'en ai un 19ème à préparer pour mardi, et mon but ici n'est pas de vous écrire un (mauvais) roman, mais de vous faire un retour d'expérience comme j'aimerai en lire plus souvent quand je prépare moi-même une campagne (en moins bordélique que le présent CR tout de même

J'ai la chance d'avoir une équipe adorable, complice, et qui a mis du sien pour exposer les raisons qui les poussaient à s'intéresser à ces rumeurs. J'avais tout de même prévu en roue de secours le premier scénario de Contes et Légendes (Celui qui s'écarte du Sentier). Non pas que je craignais que mes compères jouent aux cons en esquivant le scénario, mais parce que je ne voulais surtout pas tricher avec le système : si l'entrevue avec Gloín se passait mal, il fallait que le scénario puisse complètement tomber à l'eau (2).

Au final, l'entrevue a été parfaite (ouf). Le premier vrai contact avec le système via les Interactions a été très agréable et même impressionnant de souplesse. Les joueurs s'exprimaient, et selon le ton employé et les arguments utilisés, je demandais un jet de telle ou telle compétence (Persuasion, Présence, Inspiration, Énigmes). En cas d'échec j'éliminais un point de Tolérance, en cas de réussite je cochais un à trois succès (ordinaire, supérieur, extraordinaire). Et tout ça sur mon Tableau blanc à la vue de tous. C'était naturel, souple, non envahissant et même relativement discret. Côté MJ vous n'avez à gérer vos PNJ que via le roleplay, les mécanismes n'affectant que les PJ. Le principe des dés bonus utilisables au cours de la scène après un jet d'Intuition initial est également sympathique.
Précisons qu'une entrevue est ritualisée dans cet univers (et intégrée dans le mécanisme) : tout le monde se doit de se présenter clairement à tour de rôle, ou via un porte-parole, avant d'entamer les pourparlers. Ca peut paraître évident, et pourtant n'a-t-on pas tendance à oublier ce principe à nos tables "médiévales" ?
J'ajouterai tout de même que certaines "finesses" du système sont dévoilées dans les scénarios (variantes pour déterminer la valeur de Tolérance, possibilité de faire sauter automatiquement un point de Tolérance suite à une bévue précise, etc.).
Enfin, je dirai que ce système a fonctionné parfaitement au cours de 18 séances. C'est clairement un des mécanismes que je préfère dans ce jeu.

Première virée dans les Terres Sauvages
Le système des Rôles que chaque membre de la Compagnie va devoir choisir au cours d'un Voyage peut paraître illogique à première vue. « Comment ça seul le guetteur a le droit à un test de Vigilance pendant la nuit ?! Mais on fait tous un tour de garde comme d'habitude voyons ! ».
Pourtant, si on veut bien laisser de côté un instant ses habitudes surannées, on peut lui trouver non seulement une logique mais également beaucoup d'intérêt. Ici on ne désigne pas celui qui va se charger de tous les tours de garde, ni du seul qui va à nouveau chercher l'emplacement du bivouac, ni de la personne qui se coltine toute l'intendance. Dans LAU les joueurs désignent entre eux vers qui va se porter l'attention narrative lorsqu'un soucis d'un type donné va se présenter (ou vers qui la caméra va se tourner si vous préférez). Qui va être responsable de la panade qui va suivre, ou au contraire qui a sauvé la Compagnie toute entière. Et ça ça change tout.
Ce système va non seulement permettre de rendre les voyages intéressants, mais également rapides à jouer. Il permet de faire tout à la fois une ellipse globale et des zooms narratifs au cours d'un trajet, transformant un passage souvent barbant en jeu de rôle, en quelque chose de captivant et trépidant. Non seulement les joueurs ont à faire en amont un choix stratégique (ce qui n'est jamais désagréable), mais en plus le principe permet de gérer ça rapidement puisqu'un seul joueur (ou éventuellement deux) devra effectuer un test. En cas de succès ? On valorise un personnage dont c'est la spécialité en racontant comment il a sauvé le groupe (et pas l'incompétent qui a eu du bol aux dés lorsque le spécialiste en a manqué). Et en cas d'échec ? Tout le groupe se retrouve embarqué dans une mini-aventure !
Oui, n'ayons pas peur des mots, c'est tout bonnement génial ! Bien que malheureusement placé au milieu d'un système de calcul des durées des voyages médiocre, calculatoire, lourdingue et pas du tout inspiré qui s'avérerait être une plaie s'il fallait le sortir au milieu d'une séance. Une perle donc... au milieu d'un tue l'amour pour rester poli.
Précisons tout de même qu'il ne faut pas s'arrêter à la base du système d'ellipse présenté dans le livre de base. En l'état, il équivaut à une arme sans munitions. Pour comprendre son intérêt il faut se plonger dans les scénarios officiels qui regorgent d’Épisodes Périlleux (ou Périls) plus originaux les uns que les autres, et qui changent des improvisations redondantes (voir essentiellement martiales) qui viennent naturellement en tête pour pimenter un voyage. Petit rappel, le supplément des cartes (Journeys & Maps, toujours pas traduit) en contient plein d'intéressants. C'est d'ailleurs son principal intérêt à mon avis.
Ah oui, cet outil jubilatoire - qui n'a rien d'un jeu de société - est adaptable à pratiquement n'importe quel jeu de rôle en deux coups de cuillère à peau. C'est clairement un des composants qui m'a fait aimer le jeu en le pratiquant, malgré ses nombreuses casseroles.
C'est au cours du voyage que j'ai commencé à récolter mes premiers "Yeux" de Sauron, ce qui m'a permis par la suite de mettre en place les premiers périples.
A partir des Longs Marais nous avons commencé à tester le système de Corruption. C'est un système intéressant, ayant un impact indéniable sur les joueurs (il faut les voir piocher leur premier jeton d'Ombre...), et crucial pour faire ressortir un des éléments essentiels de ce monde et de la campagne. Malheureusement il est loin d'être exempt de critiques, mais je reviendrai là-dessus dans un long post plus loin.

Sondage E01 - avis de la joueuse et des joueurs
Point de vue général (4.25/5)
"Bien qu'il faille s'en imprégner au préalable (et ce n'est pas si simple que cela), je trouve jusqu'à présent les règles très novatrices : elles sont omniprésentes mais sans entraver la liberté d'action du joueur et en aboutissant toujours lorsqu'elles sont appliquées à un résultat très logique par rapport à l'action ou au choix fait par le personnage. J'attends de voir si ça fonctionne toujours (notamment lors des combats)."
"On subit bien la lourdeur de l'ombre ... Vite, le hobbit, a new hope ..." (1)
" Bien sûr, on a passé beaucoup de temps à préparer mais ça a permis d'avoir une idée précise du système. Et les différents éléments sur l'univers ont permis de bien se mettre dans l'ambiance. Du coup je suis déjà dég de pas être là le 2 mai T_T "
"Assez intéressant l'équilibre qui s'est dégagé entre les règles et le roleplay lors de la négociation avec Gloin, créant une espèce d'interaction entre les deux très différente de l'habituelle séquence roleplay+jet de dés pour savoir si l'action est réussie. Une bonne illustration de ce que j'avançais concernant la manière dont fonctionnent les règles."
Prestation PJ (3.75/5)
"Tout le monde était bien dedans, pas trop de vannes ni de digressions."
"Je pense que samedi le groupe n'était pas encore totalement immergé dans l'atmosphère de l'univers et l'aventure, ce qui est normal pour une première séance. On a quand même commencé à ressentir le poids de l'univers et son côté sombre en fin de partie avec la distribution des premiers points d'ombre. J'attends de voir la suite mardi."
"Faut se mettre d'accord sur la gestion des points d'Espoir du pot commun."
Prestation MJ (4/5)
"Je trouve les règles très élaborées, donc pas toujours faciles à maîtriser. Je dirais que le maître de jeu s'en est très bien sorti (probablement le résultat d'une longue préparation et donc de beaucoup de travail)."
"Nouveau système de jeu, appris en un temps record, bien maîtrisé. Background maîtrisé. Ambiance réussie."
Motivation pour continuer (4.25/5)

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- Un Hobbit ajoute deux points d'Espoir dans le pot commun au lieu d'un... Comme le PJ n'était pas incorporé dans le groupe, le pot commun ne comprenait pas ces 2 points.
- Quitte à faire une pirouette en intégrant Everard parmi le groupe du marchand Baldo : le Hobbit rêvait de voir les Elfes (pas du tout original, mais parfaitement crédible), et avait quitté les Nains Balin et Oin avant leur départ d'Esgaroth.

