
LE SANG DES CIEUX
Kent Wascom
J’ai tendance à choisir mes livres en fonction des conseils de lectures. Depuis longtemps, j’ai pris l’habitude de me méfier des couvertures. Je pense que cela est imputable aux collections SF de J’ai lu et Presse Pocket même si, il faut l’avouer, l’Atalante n’est pas en reste. Mais, pour une fois depuis bien longtemps, j’ai fait confiance à une maison d’édition et à sa couverture. En effet, Gallmeister a édité quelques livres que j’ai vraiment beaucoup aimé ces derniers temps, à commencer par le Petit déjeuner des champions de Kurt Vonnegut. Alors, je me suis dit Gallmeister + le titre + la couverture, ça ne peut que donner envie.
Bon, comme à la grande époque de J’ai Lu, la couverture est réalisée par quelqu’un qui a rencontré quelqu’un qui a lu le livre.
Amérique du nord, début du XIXème siècle. Angle Woolbag est le fils d’un précheur bien décidé à sauver les gens d’eux-mêmes, qui échoue dans une petite communauté de paysans d’une zone pauvre de l’ouest, avant la conquête. Fils unique, il est entrainé par son père pour devenir lui aussi un prêcheur et, certainement, hériter de la communauté qu’ils ont trouvée. Mais, petit à petit, Angel succombe au désir et s’amourache d’une fille de paysan, quand un autre prêcheur arrive avec ses deux fils les plus jeunes. Après une certaine rivalité entre les enfants, Samuel, l’ainé des deux, va devenir très proche d’Angel. Avec leur père, ils vont déloger des infidèles, des adeptes de John Smith, le fondateur de l’Eglise des derniers Saints (les mormons), alors en errance. Après ce coup de poing, le Père prêcheur, comme l’appelle Angel, découvre la concupiscence de son fils lorsque la mère de son amoureuse la noie en raison de sa grossesse. Alors qu’il doit ensevelir sa bien-aimée, Angel va se révolter contre son père, le frappant à la tête avec sa pelle. Sans savoir s’il l’a ou non tué, il va fuir cette région et ces promesses d’un avenir morne, en compagnie de Samuel. Samuel va alors « adopter » Angel, faisant de lui son frère et tous deux vont partir à la recherche de l’ainé de la fratrie, Reuben, dont Samuel sait qu’il a réussi, à la recherche d’une vie meilleurs, qui va les entrainer dans une vie de violence, avec, toujours, la foi comme justification.
C’est intéressant de voir comment les mythes américains se sont construits, comment ils vivent et perçoivent leur foi, très éloigné de ce que nous pouvons considérer. Tuer, détrousser, voler, acheter et vendre des esclaves, tout cela se justifie par la volonté de Dieu. Alors, certes, le plus souvent, cette volonté divine excuse plus qu’elle ne justifie les exactions des personnages, mais en même temps, personne n’ose remettre en cause leur vision. Angel tue et baptise dans le même temps, lavant le péché des autres. Et les siens sont lavées par la volonté de Dieu, qu’il perçoit et comprend. Cela permet de mieux cerner cette extrême droite américaine qui n’a que la volonté de Dieu à la bouche et qui, en même temps, maltraite et vilipende d’autres qui commettent des actes moins discutables que les leurs.
Vu comme cela, la couverture du livre est raccord. Sauf que. Sauf que l’ont voit dans les mains du personnage un 6 coups, une arme qui naitra une trentaine d’années, au minimum, après les faits dont sont constitués l’histoire. Il ne s’agit pas de cow-boys et de la conquête de terres indiennes, mais de la volonté d’arracher la Louisiane et la Floride occidentale à la domination espagnole, soit pour en faire un état indépendant, à la gloire du Seigneur, soit pour rallier des Etats-Unis très jeunes et encore assez fragiles. Une lecture intéressante de par des personnages peut-être moins caricaturaux que d’habitude dans un livre américain, moins unilatéraux et dont on ne sait, à la fin ,si l’on accepte ou non les excuses qu’ils se donnent pour commettre les faits qu’ils ont commis, avec une « morale » simple : nous ne sommes jamais que des pions sur un échiquier, dans un jeu dont nous ne connaissons ni les règles ni les autres joueurs.